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HORS L’ÉCRAN

Dmitriy Eremeev “ONSA”


OOZIN’4 · JUIN 2021 
ConsidĂšres-tu ta pratique artistique comme un vrai travail ?

Je pense qu’il s’agĂźt plus d’un style de vie. C’est quelque-chose qui m’aide Ă  sortir de la routine et des problĂšmes, oĂč je peux m’exprimer pleinement et Ă©quilibrer ma santĂ© mentale, je pense. En plus de tout ça, l’art ne me rapporte pas d’argent, ou alors trĂšs peu, et je ne trouve plus tellement de temps en ce moment pour y travailler. Misent bout Ă  bout, ces choses me font dire que « vrai travail Â» n’est pas la bonne formulation pour nommer ma pratique artistique. J’espĂšre que ça changera bientĂŽt.

Donc, pour toi, l’art est d’une part un outil pour rĂ©guler la pression sociale, comme une soupape ou un exutoire, et d’autre part le mĂ©tier de tes rĂȘves ?

Oui, c’est ça en quelque sorte.


Mental Cubes V.1, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev

Dans la dĂ©finition que tu en donnes, la notion de « travail Â» semble avoir deux niveaux de lecture : l’argent et le temps. La pratique artistique doit-elle forcĂ©ment comporter une dimension lucrative ?

Non, pas toujours. Dans certaines situations, ça n’a pas Ă  l’ĂȘtre du tout. Je ne fais pas ça pour l’argent Ă  la base, je n’essaie pas de rendre mes travaux populaires de façon Ă  pouvoir obtenir des abonné‹es sur les rĂ©seaux sociaux et d’en tirer profit.

Avant tout, ton art doit ĂȘtre honnĂȘte. Je pense sincĂšrement que c’est la principale chose qui permet d’accĂ©der Ă  une certaine joie dans l’acte de crĂ©ation.

AprĂšs, vivre dans un systĂšme capitaliste fait qu’on ne peut tout simplement pas ignorer l’argent. MonĂ©tiser son art est la seule façon d’en vivre. Mais les opportunitĂ©s de gagner de l’argent ne doivent pas nous faire oublier notre intĂ©gritĂ© et doivent ĂȘtre les consĂ©quences d’une approche honnĂȘte dans la pratique artistique.

Dans ce contexte, comment décrire la notion du temps ?

Quand je suis concentrĂ©, le temps passe trĂšs vite, c’est certain. Mais, le plus souvent, je n’ai pas assez de temps pour me concentrer suffisamment, ou alors je n’ai pas les ressources nĂ©cessaires. Peu importe les situations, je manque de temps.

Est-ce que tu veux dire qu’en gĂ©nĂ©ral l’art est une activitĂ© chronophage ? Ou que la sociĂ©tĂ© rarĂ©fie le temps Ă  tel point que l’art ne peut pas ĂȘtre une prioritĂ© ?

Cela dĂ©pend du but que l’on cherche Ă  atteindre.

Tu peux dĂ©cider de crĂ©er quelque-chose juste parce que tu aimes passer du temps de cette façon, appelons ça un hobby. Ou bien tu rĂ©alises que ce n’est pas d’un hobby dont il est question mais bien d’une partie de toi. A partir de lĂ , aucune de tes passions ni aucun de tes rĂȘves ne pourra ĂȘtre qualifiĂ© de chronophage. Dans mon cas, je n’ai pas assez de temps Ă  accorder Ă  ma pratique artistique parce que j’ai un autre travail. Travail que j’aime beaucoup d’ailleurs, mais ne pas ĂȘtre en mesure de faire de l’art m’ennuie profondĂ©ment.

Je pense que l’art n’est pas juste une activitĂ© divertissante pour moi.

Quel genre d'activité l'art représente-t-il donc ?

C'est un reflet.

J’essaie toujours de reflĂ©ter ce qui est autour de moi. Les gens, leurs Ă©motions, les voitures, le bruit des moteurs, la souffrance, la joie, les bons et les mauvais jours. Tout ça se distord dans mes pensĂ©es
 C’est vraiment difficile Ă  dĂ©crire en fait, haha.

Tes travaux ne semblent pas ĂȘtre totalement digitaux, comme s’il y avait toujours une trace analogique ou une empreinte humaine dessus. Est-ce que cette esthĂ©tique particuliĂšre rend la modĂ©lisation 3D meilleure en ce qu’elle peut reprĂ©senter de la sociĂ©tĂ© ou de ton espace mental ?

A chaque fois que je travaille sur un nouveau projet, je rentre en conflit avec toi. Je cherche à envahir le résultat, à fausser le rendu 3D en y apportant quelque-chose de destructeur. Quelque-chose qui ne semble pas en faire partie.

L’influence des technologies numĂ©riques sur les gens et sur la sociĂ©tĂ© a toujours Ă©tĂ© au cƓur de mon travail, c’est pour ça que je me considĂšre comme un artiste numĂ©rique, ce mĂ©dium me va parfaitement, je le trouve confortable. J’ai toujours voulu ajouter des imperfections dans mes crĂ©ations, j’aime ce cĂŽtĂ© grotesque. Peut-ĂȘtre que l’empreinte humaine est un dĂ©faut dans la modĂ©lisation 3D.

Je pense qu’il y’a quelque chose de profond derriĂšre tout ça, parce que pour moi l’art est une sorte de sublimation, je cherche un style qui me soit propre, Ă  donner Ă  voir une vision personnelle. A l’avenir, tout peut changer, car j’évolue.


Friday, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev

D’oĂč vient cette dualitĂ© entre ton processus de crĂ©ation et les technologies numĂ©riques ?

Dans les champs de la 3D, il y’a une tendance - on peut mĂȘme parler d’un objectif absolu – qui est de reproduire le plus fidĂšlement possible et avec le maximum de similaritĂ© le monde tel qu’il est dans la rĂ©alitĂ©. Dans un certain sens, cet objectif a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© atteint. Des images de personnages humains ont Ă©tĂ© modĂ©lisĂ© Ă  la perfection – si on peut considĂ©rer le rĂ©alisme comme une perfection. NĂ©anmoins, on voit peu Ă  peu apparaĂźtre une autre tendance qui vise Ă  mĂ©langer cette pseudo-rĂ©alitĂ© avec un aspect visuel numĂ©riques Ă©vident. Une sorte de surrĂ©alisme. Personnellement, mon travail s’oriente vers cette deuxiĂšme catĂ©gorie de production et je pense que c’est de lĂ  que vient la dualitĂ© dont tu parles. 

Ne crois-tu pas que nous avons rĂ©ussi Ă  atteindre une forme de perfection dans la visualisation 3D avec ce que l’on appelle la rĂ©alitĂ© virtuelle ? Si l’on admet que la rĂ©alitĂ© peut ĂȘtre virtuelle.

Je pense que nous sommes encore trĂšs loin d’avoir atteint cet objectif. Les progrĂšs que nous avons fait en matiĂšre de graphisme et de technologie sont incroyables, la rapiditĂ© avec laquelle se dĂ©veloppe toute ces choses est presque choquante.

La virtualitĂ© est limitĂ©e et le sera toujours. Un avatar pourra toujours s’approcher visuellement d’une personne rĂ©elle, mais n’en deviendra jamais une. L’intelligence artificielle ne peut pas battre quelqu’un Ă  un jeu et articuler un langage en mĂȘme temps. Elle est limitĂ©e Ă  sa tĂąche. Je vois une ligne sĂ©paratrice entre ces deux mondes, mĂȘme si j’essaie de les faire se mĂ©langer dans mes travaux.

Penses-tu que la virtualitĂ© et l’espace qui prend forme grĂące Ă  la modĂ©lisation 3D sont un monde parallĂšle Ă  celui des humains ? 

Je vois une sĂ©paration claire entre le monde rĂ©el et la virtualitĂ©. Je veux que les personnes qui voient mon travail comprennent qu’il ne s’agĂźt pas d’une rĂ©alitĂ© en tant que telle mais plutĂŽt d’une sorte d’ancre visuelle raccrochant ces images surrĂ©alistes Ă  ce qu’ils ou elles ont dĂ©jĂ  vu ailleurs dans leur vie. Ça crĂ©e des ambiguĂŻtĂ©s, le rendu peut sembler complĂ©tement diffĂ©rent comme trĂšs proche de la rĂ©alitĂ©. C’est la beautĂ© de l’art digital et c’est pourquoi la modĂ©lisation 3D devrait ĂȘtre imparfaite, Ă  l’image de l’ĂȘtre humain lui-mĂȘme. C’est cette esthĂ©tique que je poursuis actuellement.

Que penses-tu du monde virtuel en tant qu’univers Ă  part entiĂšre ? Ce qu’on appelle plus communĂ©ment le Cyberespace.

Le cyberespace est probablement une dystopie. Si l’on prĂ©sente la virtualitĂ© comme une nouvelle rĂ©alitĂ©, elle prend la forme d’un Ă©chappement Ă  grande Ă©chelle, ce qui selon moi n’est pas un phĂ©nomĂšne positif. MalgrĂ© cela, il est intĂ©ressant de voir Ă  quel point ça se dĂ©veloppe et quelle sociĂ©tĂ© pourrait en Ă©merger.

Quelle influence la technologie a-t-elle sur la société selon toi ?

J’aime le progrĂšs technologique lorsqu’il rend la vie plus facile. Mais ce dĂ©veloppement entraĂźne forcĂ©ment une dĂ©gradation dans certains aspects de la vie. Prenons l’exemple de la communication. Elle est devenue beaucoup plus simple sur les rĂ©seaux sociaux et dans les messageries instantanĂ©es mais, si on l’étudie d’un autre point de vue, sa qualitĂ© a considĂ©rablement baissĂ©e. Dans le monde virtuel, il est facile de tromper, de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Les Ă©motions sont traduites par des emojis et tout semble ĂȘtre un pastiche de l’humanitĂ©. Pour illustrer l’influence qu’ont les technologies du numĂ©rique sur les gens, il faut voir The Social Dilemma. Un super film, je le recommande vivement.

Comment vis-tu le fait d’ĂȘtre rattachĂ© Ă  la technologie par ta pratique artistique ou par ton autre travail ?

J’essaie de penser Ă  ce que je fais en ligne, comment et pourquoi j’utilise les outils numĂ©riques. Dans mes travaux, je veux dresser le portrait de ce monde virtuel Ă  la maniĂšre d’un trappeur, Ă©tudiant des empreintes, sur les traces de quelque-chose. En fait, je prĂ©fĂšre visualiser les effets de la technologie plutĂŽt que la technologie elle-mĂȘme. Ça peut se faire de plusieurs maniĂšres, que ce soit avec une abstraction ou avec une mĂ©taphore Ă  apparence humaine.

Quand tu parles des effets de la technologie et d’ĂȘtre avec elle comme un chasseur traquant sa proie, on a l’impression d’avoir perdu le contrĂŽle de notre crĂ©ature. Penses-tu que la technologie est une consĂ©quence de l’activitĂ© humaine et de sa recherche de progrĂšs, de confort, de dĂ©passement de la Nature ?

(J’ai dit que j’étais comme un chasseur qui Ă©tudiais des traces, pas traquant sa proie. Je pense que faire cette distinction est important) La technologie est bien-sĂ»r une consĂ©quence de l’activitĂ© humaine. Il n’y a pas de notion de progrĂšs technique sans ĂȘtres humains. On essaie toujours de rendre notre vie plus confortable, pour vivre plus longtemps, communiquer plus facilement, s’adapter. Mais tout ne se rĂ©sume pas Ă  cela. La technologie est Ă  la fois une consĂ©quence des activitĂ©s humaines et la cause d’un bon nombre d’autres consĂ©quences. Il n’y a pas que le progrĂšs technique.


Monday, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev

Sans la technologie, serais-tu quelqu’un de diffĂ©rent ?

Je serai toujours qui je suis mais sans doute en meilleure santĂ© mentalement. Peut-ĂȘtre que je ne serai pas artiste. C’est difficile Ă  imaginer parce que les gens sont vraiment trĂšs connectĂ©s au progrĂšs. Sans ce progrĂšs, c’est une toute autre vie.

Comme je peux le constater, tu sembles trÚs attaché au réel, au monde physique et rationnel. Peut-on en savoir plus sur ton passé ?

Je suis nĂ© Ă  Lyubertsy et ai vĂ©cu toute ma vie Ă  la pĂ©riphĂ©rie de Moscou, plus prĂ©cisĂ©ment dans le district de Nekrasovka. Aux alentours, il y a des stations d’épuration qui traitent les eaux usĂ©es. Il s’en dĂ©gage une odeur mĂ©morable tous les soirs en Ă©tĂ©.

Je n'ai aucune formation en art ou en design. J’ai suivi des cours en relations publiques, mes Ă©tudes ne sont pas complĂštes, j’en suis restĂ© Ă  la derniĂšre annĂ©e.

Mon enfance a Ă©tĂ© ordinaire. J’ai eu des hauts et des bas Ă  l’école. J’ai fumĂ© derriĂšre des garages, fais l’école buissonniĂšre et tout un tas d’autre chose qui sont inhĂ©rentes au fait d’ĂȘtre un jeune russe qui grandi en banlieue. Il ne s'est rien passĂ© de spĂ©cial dans ma vie, j'ai traĂźnĂ© avec des amis, geekĂ©. C’était l'insouciance, mĂȘme si j'Ă©tais trĂšs nerveux quand j'Ă©tais enfant. Mes parents sont des gens simples, qui travaillent dur. Ils essaient de me soutenir, mĂȘme si c’est compliquĂ© pour eux de comprendre mon travail. Je les aime pour leur simplicitĂ©, parfois mĂȘme pour leur naĂŻvetĂ©.

Est-ce que l’Art est une chose que tu as appris progressivement ou est-ce que tu as toujours Ă©voluĂ© dans un environnement crĂ©atif ?

Par rapport Ă  ce que j’ai dit plus tĂŽt, la rĂ©ponse me semble Ă©vidente. Je n’aurai jamais pensĂ© que j’allais faire de l’art ou du design. La premiĂšre fois, c’était en 2014, quand j’ai ouvert Photoshop et que j’ai commencĂ© Ă  m’intĂ©resser Ă  l’art visuel. Quatre ans plus tard, j’ai rĂ©alisĂ© que j’étais un artiste. Aujourd’hui, j’ai parfois le sentiment que, du fait de mon manque de prĂ©requis, je ne pourrai pas ĂȘtre artiste. L’environnement et les conditions dans lesquelles j’ai grandi n’étaient pas propices Ă  la crĂ©ation artistique. D’un autre cĂŽtĂ©, ce fut un terreau idĂ©al pour dĂ©velopper mon univers. Je peux en tirer une certaine esthĂ©tique et ça rend mon travail authentique.

Quelle est la situation des artistes en Russie aujourd’hui ?

Pour ĂȘtre honnĂȘte, c’est difficile pour moi d’évaluer la scĂšne artistique russe. Il y a bien sĂ»r tout un tas de communautĂ©, un nombre assez consĂ©quent d’espaces d’exposition. Tout ça Ă  l’air d’évoluer de façon organique. Nous avons de grands musĂ©es et de grands artistes.

La plupart des artistes russes ont un bagage chargĂ© de mĂ©lancolie derriĂšre eux, ce qui est une excellente base pour la crĂ©ativitĂ©. J’apprĂ©cie les artistes qui arrivent Ă  transmettre cet hĂ©ritage.

Pour ce qui est de la situation dans le domaine de l’art numĂ©rique, c’est plus complexe. Ça requiert beaucoup de temps et de connaissances spĂ©cifiques. En plus, les revenus sont assez bas en Russie.

Quel rĂŽle joue l’environnement social, et plus particuliĂšrement les rĂ©seaux sociaux, dans ta vie d’artiste ? 

En tant qu’artiste des mĂ©dias numĂ©riques, les rĂ©seaux sociaux et la communication sont une partie intĂ©grante de mon processus crĂ©atif. Si les rĂ©seaux sociaux n’existaient pas, cette interview n’aurait probablement jamais eu lieu. Il serait beaucoup plus difficile pour moi de partager ce que je fais avec les gens et de susciter leur intĂ©rĂȘt.

En dĂ©pit du fait que j’essaie de m’exporter des Ă©crans, de progresser et de faire des expositions en galerie, je ne dĂ©value pas l’importance et l’utilitĂ© d’Internet pour ce qui est de communiquer. Tout se dĂ©veloppe trĂšs vite : Expositions virtuelles, crypto-art, festivals numĂ©riques. Tout est accessible en deux clics. J’espĂšre que le futur sera prometteur.

Sur les rĂ©seaux sociaux, tu utilises souvent l’écrit pour introduire ou accompagner tes travaux, en annotant les visuels ou en donnant ton point de vue sur certaines choses. Est-ce que ces descriptions sont des indices pour interprĂ©ter tes Ɠuvres ?

Oui, j’annote souvent mes travaux de l’idĂ©e qui sous-tend leur crĂ©ation. Il m’arrive aussi d’écrire des pensĂ©es provenant d’une interprĂ©tation personnelle.

Mais je n’utilise pas le texte uniquement comme un accompagnement. C’est une autre dimension de mon travail. Il y a quelque-chose de conceptuel lĂ  derriĂšre, ça ajoute une couche de lecture qui complexifie ou parfois simplifie l’interprĂ©tation. En plus de ça, le texte lui-mĂȘme est un Ă©lĂ©ment visuel qui imprĂšgne mon travail et en dĂ©peint les caractĂ©ristiques culturelles. Par exemple, en utilisant l'alphabet cyrillique, j’ajoute une couche d’interprĂ©tation. Une personne qui ne connaĂźt pas le russe peut ne pas comprendre ce qui est Ă©crit. Dans ce cas, le texte fonctionne comme un code culturel, une sorte de message codĂ© qui porte une idĂ©e cachĂ©e. Ça permet de jouer avec les spectateur·ices.

Ce jeu que tu cherches Ă  crĂ©er avec le public est-il une consĂ©quence du regard que les autres portes sur toi ? OĂč est-ce que tu te situes par rapport Ă  ça ?

Je suis absolument neutre Ă  ce sujet. Je ne cherche pas Ă  convaincre une audience de ma vision ou quoique ce soit. En revanche, j’essaie de rendre mon travail aussi ouvert que possible, de façon Ă  ce que les spectateurices puissent avoir le choix. Mon travail d’artiste consiste simplement Ă  exprimer une esthĂ©tique, Ă  visualiser une idĂ©e. C’est un terreau propice Ă  la rĂ©flexion. Je pense que c’est lĂ  la beautĂ© de l’art – la libertĂ© de perception.

Comment procĂšdes-tu pour exprimer cette esthĂ©tique ? 
Suis-tu une routine ou des habitudes qui te permettent de créer dans de bonnes conditions ?

Je me sens au maximum de ma productivité lorsque je suis seul et dans une atmosphÚre calme. Dans un café en écoutant de la musique, par exemple.

J’ai quelques problĂšmes de concentration. Peut-ĂȘtre parce que j’écoute toujours de la musique en travaillant d’ailleurs (lol). Ça reste assez difficile pour moi de m’asseoir et de chercher des idĂ©es pour commencer un nouveau travail. Le plus souvent, mes idĂ©es naissent d’une accumulation de formes, de croquis, puis, une fois que j’ai trouvĂ© le confort pour travailler, je commence Ă  moudre mon grain.

La musique m’aide Ă  m’y mettre, vraiment. Parfois, une idĂ©e dĂ©coule directement de l’écoute d’un album. Je lis aussi pas mal de textes Ă  propos de l’art, je visite des expositions, 
 en fait j’essaie de m’immerger totalement dans un contexte artistique.

Quelles consĂ©quences la pandĂ©mie de COVID-19 a-t-elle eu sur ta vie d’artiste ?

Au début, je me suis senti impuissant. Je venais de perdre mon travail à cause de la crise sanitaire et je me disais que si des moments difficiles étaient à venir, si nous étions confinés etc.., alors je pourrai me concentrer sur ma pratique artistique.

Mais il s'avĂšre que la vie sociale est un pilier pour la santĂ© psychologique. Ne pas pouvoir voir mes amis, marcher, travailler, faire quoi que ce soit en fait, a Ă©tĂ© trĂšs traumatisant. Je m'y suis finalement habituĂ© et j'ai trouvĂ© la force d'exprimer mon expĂ©rience d'isolement et mes pensĂ©es sur l'avenir Ă  travers l’art. Donc je dirai que c’était un peu comme des montagnes russes.

Ça a soulevĂ© des questionnements que tu n’avais pas avant ?

Je pense que la principale question que cette crise a soulevĂ©e concerne la numĂ©risation globale de la sociĂ©tĂ©. À quel point la pandĂ©mie a-t-elle impactĂ© le monde digital et quel futur nous attend Ă  cet Ă©gard ?

Des projets pour le futur ?

Rien de concret. Pour l’instant, j’essaie d’apprendre et de dĂ©velopper mes compĂ©tences. J’aimerai crĂ©er quelque-chose de grand Ă  l’avenir. Hors de mon Ă©cran.


In a confined space, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev





OUT OF SCREEN

Dmitriy Eremeev “ONSA”


OOZIN’4 · JUNE 2021 
Do you consider your artistic practices as real work?

I think for me artistic practice is more like life style. Its something that helps me to take my mind off routine, problems, where i can express myself and balance my mental health, i think. On top of that I barely get any money from it and now barely can find time to do my art so it seems like a bad work if we call it “real work” :) But i hope it will change soon.

So, for you, artistic practices are both a tool to regulate social pressure like an outlet or a valve, and a work in which you believe to be your dream job ?

Yes, kind of it is. As you define it, the notion of “work” seems to have two reading direction : Money and Time.

Does always artistic activities has to be lucrative ?

No, not always. In particular situation it hasn’t to be lucrative at all. I don’t do it for money in the first place, I don’t try to do something popular that can bring me subscribers and profit. First of all your artwork must be honest. This is the main thing that brings me joy when i create something. Honesty. Of course living in capitalism you almost can’t ignore money and don’t try to monetize your art if you want to do it for the living. But opportunity to get money from your art should be consequence of honest approach to your art.

How can you describe time when it is linked with your creations ? ( like, for example, how do you feel time passing when working etc.. )

When I really focused time flies so quick of course. But often i don’t have enough time to be focused or don’t have any else resources to create something. Anyway i always don’t have enough time.

Do you mean that in general art is a very time consuming practice ? Or that society make time difficult to get, so art can not be your priority ?

It depends on what goal are you pursuing.

You can create something just because you like to spend time like that. Lets say hobby. Or you realize that its not a hobby no more and you’re doing it because it’s like part of you.

Basically any passion or dream that you have will be very time consuming.

In my particular situation I don’t have enough time to do art because of work. There is nothing bad about my work but not be able to do art is bothering me. Because I think art is not just hobby for me no more.

What kind of activitie art represent for you ?

Reflection. I always try to represent the surrounding. Life around me: people, their emotions, cars, sounds of engine, pain, happiness, good day, bad day, anything.
It always reflecting with distortions. Man, it so hard to describe actually, haha.

Your artworks seems to not be fully digital, like there’s always traces of analogic or human print on it. Does this peculiar touch makes 3D modelizing a better way to represent your social and mental situation ?
Like it makes your artworks nearer than what you want represent ?

Every time I work on a new project, I come into conflict with it. I want to invade the resulting 3d aesthetic and bring something destructive to it. Something that doesn’t belong to it.
The influence of digital technologies on people and society has always been at the heart of my work, so thats why im digital artist, this medium suits me and I am comfortable in it. But in the process of working, I seem to lack humanity, I guess. I always want to add imperfections in my works and i love grotesque so much. And maybe analogic and human trace is imperfection for 3D.

I think there’s something deep behind all that, because art for me is a sublimation in the general sense, but I still searching and creating my own style and vision,  everything can change in the future because im changing.


Another day, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev

Where does this duality between your process of working and digital technology come from?
Do you think that virtuality (the computer universe that exists in your imagination because of 3D modeling) is a parallel world, opposed to humanity?

In the field of 3D visualization, there is a trend, you can even say some absolute goal - to achieve the maximum similarity of visualization with the real world. In some aspects, the goal has already been achieved, static images of people have been brought to perfection, if we consider realism as perfection. But gradually we see a new trend of combining this pseudo-reality and obvious digital performance. A kind of digital surrealism. I stick to the second trend. Most likely, this duality originates here. I see a clear separation between reality and virtuality, and I want the viewer to understand that what they see is not real, but has visual anchors that help to relate this pseudo-reality to what they have already seen many times.This may be an obvious difference, or it may be confusing. That’s the beauty of digital art. Even 3D should not be perfect, just like the human himself. This is the aesthetic I’m following right now.

You talk about the influence of technologies on society.What are these influences for you?

I love digital progress. it makes your life easier. But the development of digital technologies entails the degradation of other aspects of life. Communications for example.
Yes, it has become easier for people to communicate, social networks, messengers. Okay, cool. But if you look from the other side, the quality of communication decreases. In the digital world, it is easy to deceive, impersonate someone else, emotions turn into emojis and all this is just a semblance of humanity. On the topic of how digital technologies affect people, there is a wonderful film “The Social Dilemma”. I highly recommend it.

How do you experience being attached to digital technology through your art or your work in society?

Personally, I try to think about what I do online, how I use technology, and why. In my work, I want to portray it as if I am a hunter, studying tracks. And I visualize the effect of technology, not the technology itself. I do it in all sorts of ways, whether it’s an abstraction or a metaphor with a human face.

Don’t you think we achieve the 3D vizualisation goal with those new progress in what we call Immersive Virtual Reality ? Can reality only be virtual ? What do you think of Cyberspace ? Refering to the online world as a world apart, as distinct from everyday reality.

I think we so far from achieving this goal. All the progress that we see in graphics, technology, AI is amazing and its shocking how quick we got there. Yet virtuality is limited, and most likely will always be limited. A virtual avatar visually can be as similar as possible to a real person, but it will never become one. Artificial intelligence can beat a person in a computer game, but it can’t say the words. Because it is limited to its task. I see the line between these to worlds even if I try to merge it all in my arts.

For me, cyberspace is probably a dystopia. If we present virtuality as a new reality, we can consider it as an act of large-scale escapism, which is not a good phenomenon, in my opinion. Still, it is very interesting to look at all this, where it will develop and what kind of society we will come to.

When you talk about the effects of technology and being with it like a hunter stalking its prey, it feels like we all have lost control of the creature. Do you think technology is itself a consequence of human activity and its search for progress, for comfort, for going beyond Nature? Following this question, who do you think you are without technology ?

( i said im like a hunter studying tracks, not stalking its prey, I think that can be important :) )Of course its a consequence of human activity, yes. There’s no technical progress without human. And not only technical.
We always try to make our life more comfortable so we can live longer, communicate quicker, adapt easier. Technology is a consequence of human activities but technology has its own consequence too. I think without technology i am still who i am but mentally healthier. Maybe not artist. It hard to even imagine because there’s a lot of connection between the progress and people and without that progress that’s a whole another life.

As I can see, you seem to be hooked to the reality of things, to the physical and rational world. Can you tell me about your background? (studies, place of living, childhood, 
)

I was born in the city named Lyubertsy and have lived all my life on the outskirts of Moscow, in the Nekrasovka district. We have sewage treatment plants that purify sewage water. The smell at summer in the evenings is memorable. I don’t have any education in art or design. I have an incomplete higher education in PR and I’m in my senior year now.

My childhood was quite ordinary. I went to school, first good, then bad, then good again. I smoked behind garages, skipped classes and did everything that is inherent in growing up as russian teenager from the outskirts. We’ll skip the details.Nothing special happened in my life, I had a great carefree time, although I was very nervous as a child. My parents are simple hard workers, they try to support me, even though they hardly understand my work. I love them for their human simplicity and sometimes even naivety.

Is Art something you learn progressively or have you always evolved in a creative environment?

Based on what I’ve said about personal life and childhood I think the answer is quite obvious. I never thought that i was going to do art or design. First time when i tried something in that area was 2014 when I first time opened Photoshop. Since then the interest to visualization started to grow and so 4 years later I truly realized that im an artist. And yet, sometimes I feel like I can’t be an artist. There were no prerequisites for this. My environment and the conditions in which I grew up no way conducive to creativity, but on the other hand, it is ideal for this. I have something to talk about, that people can relate to, something to create aesthetics out of, something to make my work authentic, because im just a regular person.


Light, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev

Today, what is the artist situation in Russia ?

To be honest, it is difficult for me to evaluate the art scene in Russia. Absolutely, there are many communities, not a small number of galleries, and it seems to me that everything is developing organically. We have great museums, great art spaces, and great artists. Almost every russian artist has a melancholic baggage behind him, which serves as an excellent base for creativity. I appreciate those who can convey this russianness. In digital art, things are more complicated, basically because digital art requires a lot of spending and some specific knowledge. And the salaries in Russia are let’s say small.

What role plays social environment, and especially social media that are quite new, in your life as an artist ?

For me, as an artist working in a digital medium, social media and online communication are an integral part of creative progress. If I didn’t have social media, this interview wouldn’t have happened, for example. It would be much more difficult for me to share my art with people, increase awareness, etc.

Despite the fact that I try to get beyond the screens, to gain experience in real exhibitions, I never devalue the importance and usefulness of communication via the Internet.

This is the future, to some extent. It’s all developing at a crazy speed: online exhibitions, crypto art, festivals. Everything is just a couple of clicks on the screen. I hope that the future will be bright.

You often use texts in your publications, especially on your Behance profile, to introduce your works, giving quotes or personal point of view on human things. Are those descriptions sorts of clues to interpret your works ?

Yes, I often want to accompany my work with the thought that underlies its creation, or with the thought that was born with my personal interpretation. I like to use the text component not only in the accompaniment, but also in the works themselves. There is something of conceptualism in this, it adds layers to the work, in some ways complicates or sometimes simplifies the interpretation.

Plus, the text itself is an excellent visual element that can also convey the cultural feature of the work, for example, using the cyrillic alphabet. A person who does not know russian may not understand what is written, do not understand this layer of work, but in this case, the cyrillic text works as a cultural code, as a kind of encoded message that carries a hidden idea. Playing with the audience.

Is this play you try to create with public a consequence of others looks on you and your works ?

I am absolutely neutral about any view of my work. I’m not trying to convince the viewer of something, of my vision. Instead, I try to make the works as interpretable as possible, so that the viewer decides for himself what he sees and how to perceive it. My task as an artist is to convey only my own aesthetics and show the idea. This is a ground for reflection. I think that’s the beauty of art – the freedom of perception.

How do you proceed to deliver your aesthetic ? Is there a creative routine or daily habits that allows you to create in good conditions?

I feel most productive either in complete solitude or in a relaxed atmosphere,in a cafe for example and always listen to music, always. I have a problem with concentration. Maybe because I always listen to music when I’m working (lol). Anyway, it is difficult for me to sit down in search of any foundation for a new work. Most often, my ideas are gradually formed and accumulated in some form, rough. Then, having provided myself with comfort for work, I begin to grind out something specific from this form.

Music helps me tune in, really. Sometimes, right in the process of listening to an album, an idea is born. And i read a lot about art and stuff, visit exhibitions, so I try to immerse myself in art fully.

What consequences has the pandemic had on your life as an artist?

In the beginning of the pandemic it gots me in the place where I can’t do anything. It was the time when i just lost my job because of the covid situation and i was thinking that if its hard time now, isolation and all that, then i can focus on art. But turns out that normal social life was kind of psychological support. Not be able to see my friends, to walk, to work, do anything actually, was very traumatic for me. But eventually i got used to it and find the way and strength to express my isolation experience and my thoughts about future. I expressed it through my art, of course. So it was kind of a rollercoaster.

Does this situation raise questions that you did not have before?

I think the main question that was raised because of pandemic is : how strong will the impact of the virus be on the global digitalization and what future awaits us in this regard?

Do you have projects for the future?

Nothing concrete. Now most of the time i just try to learn new and develop my skills. But in the future i want to create something big.
Out of my screen.


Mental Cubes V.2, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev





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