HORS LâĂCRAN
Dmitriy Eremeev âONSAâ
OOZINâ4 · JUIN 2021
ConsidĂšres-tu ta pratique artistique comme un vrai travail ?
Je pense quâil sâagĂźt plus dâun style de vie. Câest quelque-chose qui mâaide Ă sortir de la routine et des problĂšmes, oĂč je peux mâexprimer pleinement et Ă©quilibrer ma santĂ© mentale, je pense. En plus de tout ça, lâart ne me rapporte pas dâargent, ou alors trĂšs peu, et je ne trouve plus tellement de temps en ce moment pour y travailler. Misent bout Ă bout, ces choses me font dire que « vrai travail » nâest pas la bonne formulation pour nommer ma pratique artistique. JâespĂšre que ça changera bientĂŽt.
Donc, pour toi, lâart est dâune part un outil pour rĂ©guler la pression sociale, comme une soupape ou un exutoire, et dâautre part le mĂ©tier de tes rĂȘves ?
Oui, câest ça en quelque sorte.
![]()
Dans la dĂ©finition que tu en donnes, la notion de « travail » semble avoir deux niveaux de lecture : lâargent et le temps. La pratique artistique doit-elle forcĂ©ment comporter une dimension lucrative ?
Non, pas toujours. Dans certaines situations, ça nâa pas Ă lâĂȘtre du tout. Je ne fais pas ça pour lâargent Ă la base, je nâessaie pas de rendre mes travaux populaires de façon Ă pouvoir obtenir des abonnĂ©âąes sur les rĂ©seaux sociaux et dâen tirer profit.
Avant tout, ton art doit ĂȘtre honnĂȘte. Je pense sincĂšrement que câest la principale chose qui permet dâaccĂ©der Ă une certaine joie dans lâacte de crĂ©ation.
AprĂšs, vivre dans un systĂšme capitaliste fait quâon ne peut tout simplement pas ignorer lâargent. MonĂ©tiser son art est la seule façon dâen vivre. Mais les opportunitĂ©s de gagner de lâargent ne doivent pas nous faire oublier notre intĂ©gritĂ© et doivent ĂȘtre les consĂ©quences dâune approche honnĂȘte dans la pratique artistique.
Dans ce contexte, comment décrire la notion du temps ?
Quand je suis concentrĂ©, le temps passe trĂšs vite, câest certain. Mais, le plus souvent, je nâai pas assez de temps pour me concentrer suffisamment, ou alors je nâai pas les ressources nĂ©cessaires. Peu importe les situations, je manque de temps.
Est-ce que tu veux dire quâen gĂ©nĂ©ral lâart est une activitĂ© chronophage ? Ou que la sociĂ©tĂ© rarĂ©fie le temps Ă tel point que lâart ne peut pas ĂȘtre une prioritĂ© ?
Cela dĂ©pend du but que lâon cherche Ă atteindre.
Tu peux dĂ©cider de crĂ©er quelque-chose juste parce que tu aimes passer du temps de cette façon, appelons ça un hobby. Ou bien tu rĂ©alises que ce nâest pas dâun hobby dont il est question mais bien dâune partie de toi. A partir de lĂ , aucune de tes passions ni aucun de tes rĂȘves ne pourra ĂȘtre qualifiĂ© de chronophage. Dans mon cas, je nâai pas assez de temps Ă accorder Ă ma pratique artistique parce que jâai un autre travail. Travail que jâaime beaucoup dâailleurs, mais ne pas ĂȘtre en mesure de faire de lâart mâennuie profondĂ©ment.
Je pense que lâart nâest pas juste une activitĂ© divertissante pour moi.
Quel genre d'activité l'art représente-t-il donc ?
C'est un reflet.
Jâessaie toujours de reflĂ©ter ce qui est autour de moi. Les gens, leurs Ă©motions, les voitures, le bruit des moteurs, la souffrance, la joie, les bons et les mauvais jours. Tout ça se distord dans mes pensĂ©es⊠Câest vraiment difficile Ă dĂ©crire en fait, haha.
Tes travaux ne semblent pas ĂȘtre totalement digitaux, comme sâil y avait toujours une trace analogique ou une empreinte humaine dessus. Est-ce que cette esthĂ©tique particuliĂšre rend la modĂ©lisation 3D meilleure en ce quâelle peut reprĂ©senter de la sociĂ©tĂ© ou de ton espace mental ?
A chaque fois que je travaille sur un nouveau projet, je rentre en conflit avec toi. Je cherche à envahir le résultat, à fausser le rendu 3D en y apportant quelque-chose de destructeur. Quelque-chose qui ne semble pas en faire partie.
Lâinfluence des technologies numĂ©riques sur les gens et sur la sociĂ©tĂ© a toujours Ă©tĂ© au cĆur de mon travail, câest pour ça que je me considĂšre comme un artiste numĂ©rique, ce mĂ©dium me va parfaitement, je le trouve confortable. Jâai toujours voulu ajouter des imperfections dans mes crĂ©ations, jâaime ce cĂŽtĂ© grotesque. Peut-ĂȘtre que lâempreinte humaine est un dĂ©faut dans la modĂ©lisation 3D.
Je pense quâil yâa quelque chose de profond derriĂšre tout ça, parce que pour moi lâart est une sorte de sublimation, je cherche un style qui me soit propre, Ă donner Ă voir une vision personnelle. A lâavenir, tout peut changer, car jâĂ©volue.
Friday, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
DâoĂč vient cette dualitĂ© entre ton processus de crĂ©ation et les technologies numĂ©riques ?
Dans les champs de la 3D, il yâa une tendance - on peut mĂȘme parler dâun objectif absolu â qui est de reproduire le plus fidĂšlement possible et avec le maximum de similaritĂ© le monde tel quâil est dans la rĂ©alitĂ©. Dans un certain sens, cet objectif a dĂ©jĂ Ă©tĂ© atteint. Des images de personnages humains ont Ă©tĂ© modĂ©lisĂ© Ă la perfection â si on peut considĂ©rer le rĂ©alisme comme une perfection. NĂ©anmoins, on voit peu Ă peu apparaĂźtre une autre tendance qui vise Ă mĂ©langer cette pseudo-rĂ©alitĂ© avec un aspect visuel numĂ©riques Ă©vident. Une sorte de surrĂ©alisme. Personnellement, mon travail sâoriente vers cette deuxiĂšme catĂ©gorie de production et je pense que câest de lĂ que vient la dualitĂ© dont tu parles.
Ne crois-tu pas que nous avons rĂ©ussi Ă atteindre une forme de perfection dans la visualisation 3D avec ce que lâon appelle la rĂ©alitĂ© virtuelle ? Si lâon admet que la rĂ©alitĂ© peut ĂȘtre virtuelle.
Je pense que nous sommes encore trĂšs loin dâavoir atteint cet objectif. Les progrĂšs que nous avons fait en matiĂšre de graphisme et de technologie sont incroyables, la rapiditĂ© avec laquelle se dĂ©veloppe toute ces choses est presque choquante.
La virtualitĂ© est limitĂ©e et le sera toujours. Un avatar pourra toujours sâapprocher visuellement dâune personne rĂ©elle, mais nâen deviendra jamais une. Lâintelligence artificielle ne peut pas battre quelquâun Ă un jeu et articuler un langage en mĂȘme temps. Elle est limitĂ©e Ă sa tĂąche. Je vois une ligne sĂ©paratrice entre ces deux mondes, mĂȘme si jâessaie de les faire se mĂ©langer dans mes travaux.
Penses-tu que la virtualitĂ© et lâespace qui prend forme grĂące Ă la modĂ©lisation 3D sont un monde parallĂšle Ă celui des humains ?
Je vois une sĂ©paration claire entre le monde rĂ©el et la virtualitĂ©. Je veux que les personnes qui voient mon travail comprennent quâil ne sâagĂźt pas dâune rĂ©alitĂ© en tant que telle mais plutĂŽt dâune sorte dâancre visuelle raccrochant ces images surrĂ©alistes Ă ce quâils ou elles ont dĂ©jĂ vu ailleurs dans leur vie. Ăa crĂ©e des ambiguĂŻtĂ©s, le rendu peut sembler complĂ©tement diffĂ©rent comme trĂšs proche de la rĂ©alitĂ©. Câest la beautĂ© de lâart digital et câest pourquoi la modĂ©lisation 3D devrait ĂȘtre imparfaite, Ă lâimage de lâĂȘtre humain lui-mĂȘme. Câest cette esthĂ©tique que je poursuis actuellement.
Que penses-tu du monde virtuel en tant quâunivers Ă part entiĂšre ? Ce quâon appelle plus communĂ©ment le Cyberespace.
Le cyberespace est probablement une dystopie. Si lâon prĂ©sente la virtualitĂ© comme une nouvelle rĂ©alitĂ©, elle prend la forme dâun Ă©chappement Ă grande Ă©chelle, ce qui selon moi nâest pas un phĂ©nomĂšne positif. MalgrĂ© cela, il est intĂ©ressant de voir Ă quel point ça se dĂ©veloppe et quelle sociĂ©tĂ© pourrait en Ă©merger.
Quelle influence la technologie a-t-elle sur la société selon toi ?
Jâaime le progrĂšs technologique lorsquâil rend la vie plus facile. Mais ce dĂ©veloppement entraĂźne forcĂ©ment une dĂ©gradation dans certains aspects de la vie. Prenons lâexemple de la communication. Elle est devenue beaucoup plus simple sur les rĂ©seaux sociaux et dans les messageries instantanĂ©es mais, si on lâĂ©tudie dâun autre point de vue, sa qualitĂ© a considĂ©rablement baissĂ©e. Dans le monde virtuel, il est facile de tromper, de se faire passer pour quelquâun dâautre. Les Ă©motions sont traduites par des emojis et tout semble ĂȘtre un pastiche de lâhumanitĂ©. Pour illustrer lâinfluence quâont les technologies du numĂ©rique sur les gens, il faut voir The Social Dilemma. Un super film, je le recommande vivement.
Comment vis-tu le fait dâĂȘtre rattachĂ© Ă la technologie par ta pratique artistique ou par ton autre travail ?
Jâessaie de penser Ă ce que je fais en ligne, comment et pourquoi jâutilise les outils numĂ©riques. Dans mes travaux, je veux dresser le portrait de ce monde virtuel Ă la maniĂšre dâun trappeur, Ă©tudiant des empreintes, sur les traces de quelque-chose. En fait, je prĂ©fĂšre visualiser les effets de la technologie plutĂŽt que la technologie elle-mĂȘme. Ăa peut se faire de plusieurs maniĂšres, que ce soit avec une abstraction ou avec une mĂ©taphore Ă apparence humaine.
Quand tu parles des effets de la technologie et dâĂȘtre avec elle comme un chasseur traquant sa proie, on a lâimpression dâavoir perdu le contrĂŽle de notre crĂ©ature. Penses-tu que la technologie est une consĂ©quence de lâactivitĂ© humaine et de sa recherche de progrĂšs, de confort, de dĂ©passement de la Nature ?
(Jâai dit que jâĂ©tais comme un chasseur qui Ă©tudiais des traces, pas traquant sa proie. Je pense que faire cette distinction est important) La technologie est bien-sĂ»r une consĂ©quence de lâactivitĂ© humaine. Il nây a pas de notion de progrĂšs technique sans ĂȘtres humains. On essaie toujours de rendre notre vie plus confortable, pour vivre plus longtemps, communiquer plus facilement, sâadapter. Mais tout ne se rĂ©sume pas Ă cela. La technologie est Ă la fois une consĂ©quence des activitĂ©s humaines et la cause dâun bon nombre dâautres consĂ©quences. Il nây a pas que le progrĂšs technique.
![]()
Sans la technologie, serais-tu quelquâun de diffĂ©rent ?
Je serai toujours qui je suis mais sans doute en meilleure santĂ© mentalement. Peut-ĂȘtre que je ne serai pas artiste. Câest difficile Ă imaginer parce que les gens sont vraiment trĂšs connectĂ©s au progrĂšs. Sans ce progrĂšs, câest une toute autre vie.
Comme je peux le constater, tu sembles trÚs attaché au réel, au monde physique et rationnel. Peut-on en savoir plus sur ton passé ?
Je suis nĂ© Ă Lyubertsy et ai vĂ©cu toute ma vie Ă la pĂ©riphĂ©rie de Moscou, plus prĂ©cisĂ©ment dans le district de Nekrasovka. Aux alentours, il y a des stations dâĂ©puration qui traitent les eaux usĂ©es. Il sâen dĂ©gage une odeur mĂ©morable tous les soirs en Ă©tĂ©.
Je n'ai aucune formation en art ou en design. Jâai suivi des cours en relations publiques, mes Ă©tudes ne sont pas complĂštes, jâen suis restĂ© Ă la derniĂšre annĂ©e.
Mon enfance a Ă©tĂ© ordinaire. Jâai eu des hauts et des bas Ă lâĂ©cole. Jâai fumĂ© derriĂšre des garages, fais lâĂ©cole buissonniĂšre et tout un tas dâautre chose qui sont inhĂ©rentes au fait dâĂȘtre un jeune russe qui grandi en banlieue. Il ne s'est rien passĂ© de spĂ©cial dans ma vie, j'ai traĂźnĂ© avec des amis, geekĂ©. CâĂ©tait l'insouciance, mĂȘme si j'Ă©tais trĂšs nerveux quand j'Ă©tais enfant. Mes parents sont des gens simples, qui travaillent dur. Ils essaient de me soutenir, mĂȘme si câest compliquĂ© pour eux de comprendre mon travail. Je les aime pour leur simplicitĂ©, parfois mĂȘme pour leur naĂŻvetĂ©.
Est-ce que lâArt est une chose que tu as appris progressivement ou est-ce que tu as toujours Ă©voluĂ© dans un environnement crĂ©atif ?
Par rapport Ă ce que jâai dit plus tĂŽt, la rĂ©ponse me semble Ă©vidente. Je nâaurai jamais pensĂ© que jâallais faire de lâart ou du design. La premiĂšre fois, câĂ©tait en 2014, quand jâai ouvert Photoshop et que jâai commencĂ© Ă mâintĂ©resser Ă lâart visuel. Quatre ans plus tard, jâai rĂ©alisĂ© que jâĂ©tais un artiste. Aujourdâhui, jâai parfois le sentiment que, du fait de mon manque de prĂ©requis, je ne pourrai pas ĂȘtre artiste. Lâenvironnement et les conditions dans lesquelles jâai grandi nâĂ©taient pas propices Ă la crĂ©ation artistique. Dâun autre cĂŽtĂ©, ce fut un terreau idĂ©al pour dĂ©velopper mon univers. Je peux en tirer une certaine esthĂ©tique et ça rend mon travail authentique.
Quelle est la situation des artistes en Russie aujourdâhui ?
Pour ĂȘtre honnĂȘte, câest difficile pour moi dâĂ©valuer la scĂšne artistique russe. Il y a bien sĂ»r tout un tas de communautĂ©, un nombre assez consĂ©quent dâespaces dâexposition. Tout ça Ă lâair dâĂ©voluer de façon organique. Nous avons de grands musĂ©es et de grands artistes.
La plupart des artistes russes ont un bagage chargĂ© de mĂ©lancolie derriĂšre eux, ce qui est une excellente base pour la crĂ©ativitĂ©. JâapprĂ©cie les artistes qui arrivent Ă transmettre cet hĂ©ritage.
Pour ce qui est de la situation dans le domaine de lâart numĂ©rique, câest plus complexe. Ăa requiert beaucoup de temps et de connaissances spĂ©cifiques. En plus, les revenus sont assez bas en Russie.
Quel rĂŽle joue lâenvironnement social, et plus particuliĂšrement les rĂ©seaux sociaux, dans ta vie dâartiste ?
En tant quâartiste des mĂ©dias numĂ©riques, les rĂ©seaux sociaux et la communication sont une partie intĂ©grante de mon processus crĂ©atif. Si les rĂ©seaux sociaux nâexistaient pas, cette interview nâaurait probablement jamais eu lieu. Il serait beaucoup plus difficile pour moi de partager ce que je fais avec les gens et de susciter leur intĂ©rĂȘt.
En dĂ©pit du fait que jâessaie de mâexporter des Ă©crans, de progresser et de faire des expositions en galerie, je ne dĂ©value pas lâimportance et lâutilitĂ© dâInternet pour ce qui est de communiquer. Tout se dĂ©veloppe trĂšs vite : Expositions virtuelles, crypto-art, festivals numĂ©riques. Tout est accessible en deux clics. JâespĂšre que le futur sera prometteur.
Sur les rĂ©seaux sociaux, tu utilises souvent lâĂ©crit pour introduire ou accompagner tes travaux, en annotant les visuels ou en donnant ton point de vue sur certaines choses. Est-ce que ces descriptions sont des indices pour interprĂ©ter tes Ćuvres ?
Oui, jâannote souvent mes travaux de lâidĂ©e qui sous-tend leur crĂ©ation. Il mâarrive aussi dâĂ©crire des pensĂ©es provenant dâune interprĂ©tation personnelle.
Mais je nâutilise pas le texte uniquement comme un accompagnement. Câest une autre dimension de mon travail. Il y a quelque-chose de conceptuel lĂ derriĂšre, ça ajoute une couche de lecture qui complexifie ou parfois simplifie lâinterprĂ©tation. En plus de ça, le texte lui-mĂȘme est un Ă©lĂ©ment visuel qui imprĂšgne mon travail et en dĂ©peint les caractĂ©ristiques culturelles. Par exemple, en utilisant l'alphabet cyrillique, jâajoute une couche dâinterprĂ©tation. Une personne qui ne connaĂźt pas le russe peut ne pas comprendre ce qui est Ă©crit. Dans ce cas, le texte fonctionne comme un code culturel, une sorte de message codĂ© qui porte une idĂ©e cachĂ©e. Ăa permet de jouer avec les spectateur·ices.
Ce jeu que tu cherches Ă crĂ©er avec le public est-il une consĂ©quence du regard que les autres portes sur toi ? OĂč est-ce que tu te situes par rapport à ça ?
Je suis absolument neutre Ă ce sujet. Je ne cherche pas Ă convaincre une audience de ma vision ou quoique ce soit. En revanche, jâessaie de rendre mon travail aussi ouvert que possible, de façon Ă ce que les spectateurices puissent avoir le choix. Mon travail dâartiste consiste simplement Ă exprimer une esthĂ©tique, Ă visualiser une idĂ©e. Câest un terreau propice Ă la rĂ©flexion. Je pense que câest lĂ la beautĂ© de lâart â la libertĂ© de perception.
Comment procÚdes-tu pour exprimer cette esthétique ? Suis-tu une routine ou des habitudes qui te permettent de créer dans de bonnes conditions ?
Je me sens au maximum de ma productivité lorsque je suis seul et dans une atmosphÚre calme. Dans un café en écoutant de la musique, par exemple.
Jâai quelques problĂšmes de concentration. Peut-ĂȘtre parce que jâĂ©coute toujours de la musique en travaillant dâailleurs (lol). Ăa reste assez difficile pour moi de mâasseoir et de chercher des idĂ©es pour commencer un nouveau travail. Le plus souvent, mes idĂ©es naissent dâune accumulation de formes, de croquis, puis, une fois que jâai trouvĂ© le confort pour travailler, je commence Ă moudre mon grain.
La musique mâaide Ă mây mettre, vraiment. Parfois, une idĂ©e dĂ©coule directement de lâĂ©coute dâun album. Je lis aussi pas mal de textes Ă propos de lâart, je visite des expositions, ⊠en fait jâessaie de mâimmerger totalement dans un contexte artistique.
Quelles consĂ©quences la pandĂ©mie de COVID-19 a-t-elle eu sur ta vie dâartiste ?
Au début, je me suis senti impuissant. Je venais de perdre mon travail à cause de la crise sanitaire et je me disais que si des moments difficiles étaient à venir, si nous étions confinés etc.., alors je pourrai me concentrer sur ma pratique artistique.
Mais il s'avĂšre que la vie sociale est un pilier pour la santĂ© psychologique. Ne pas pouvoir voir mes amis, marcher, travailler, faire quoi que ce soit en fait, a Ă©tĂ© trĂšs traumatisant. Je m'y suis finalement habituĂ© et j'ai trouvĂ© la force d'exprimer mon expĂ©rience d'isolement et mes pensĂ©es sur l'avenir Ă travers lâart. Donc je dirai que câĂ©tait un peu comme des montagnes russes.
Ăa a soulevĂ© des questionnements que tu nâavais pas avant ?
Je pense que la principale question que cette crise a soulevée concerne la numérisation globale de la société. à quel point la pandémie a-t-elle impacté le monde digital et quel futur nous attend à cet égard ?
Des projets pour le futur ?
Rien de concret. Pour lâinstant, jâessaie dâapprendre et de dĂ©velopper mes compĂ©tences. Jâaimerai crĂ©er quelque-chose de grand Ă lâavenir. Hors de mon Ă©cran.
![]()
Je pense quâil sâagĂźt plus dâun style de vie. Câest quelque-chose qui mâaide Ă sortir de la routine et des problĂšmes, oĂč je peux mâexprimer pleinement et Ă©quilibrer ma santĂ© mentale, je pense. En plus de tout ça, lâart ne me rapporte pas dâargent, ou alors trĂšs peu, et je ne trouve plus tellement de temps en ce moment pour y travailler. Misent bout Ă bout, ces choses me font dire que « vrai travail » nâest pas la bonne formulation pour nommer ma pratique artistique. JâespĂšre que ça changera bientĂŽt.
Donc, pour toi, lâart est dâune part un outil pour rĂ©guler la pression sociale, comme une soupape ou un exutoire, et dâautre part le mĂ©tier de tes rĂȘves ?
Oui, câest ça en quelque sorte.

Mental Cubes V.1, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
Dans la dĂ©finition que tu en donnes, la notion de « travail » semble avoir deux niveaux de lecture : lâargent et le temps. La pratique artistique doit-elle forcĂ©ment comporter une dimension lucrative ?
Non, pas toujours. Dans certaines situations, ça nâa pas Ă lâĂȘtre du tout. Je ne fais pas ça pour lâargent Ă la base, je nâessaie pas de rendre mes travaux populaires de façon Ă pouvoir obtenir des abonnĂ©âąes sur les rĂ©seaux sociaux et dâen tirer profit.
Avant tout, ton art doit ĂȘtre honnĂȘte. Je pense sincĂšrement que câest la principale chose qui permet dâaccĂ©der Ă une certaine joie dans lâacte de crĂ©ation.
AprĂšs, vivre dans un systĂšme capitaliste fait quâon ne peut tout simplement pas ignorer lâargent. MonĂ©tiser son art est la seule façon dâen vivre. Mais les opportunitĂ©s de gagner de lâargent ne doivent pas nous faire oublier notre intĂ©gritĂ© et doivent ĂȘtre les consĂ©quences dâune approche honnĂȘte dans la pratique artistique.
Dans ce contexte, comment décrire la notion du temps ?
Quand je suis concentrĂ©, le temps passe trĂšs vite, câest certain. Mais, le plus souvent, je nâai pas assez de temps pour me concentrer suffisamment, ou alors je nâai pas les ressources nĂ©cessaires. Peu importe les situations, je manque de temps.
Est-ce que tu veux dire quâen gĂ©nĂ©ral lâart est une activitĂ© chronophage ? Ou que la sociĂ©tĂ© rarĂ©fie le temps Ă tel point que lâart ne peut pas ĂȘtre une prioritĂ© ?
Cela dĂ©pend du but que lâon cherche Ă atteindre.
Tu peux dĂ©cider de crĂ©er quelque-chose juste parce que tu aimes passer du temps de cette façon, appelons ça un hobby. Ou bien tu rĂ©alises que ce nâest pas dâun hobby dont il est question mais bien dâune partie de toi. A partir de lĂ , aucune de tes passions ni aucun de tes rĂȘves ne pourra ĂȘtre qualifiĂ© de chronophage. Dans mon cas, je nâai pas assez de temps Ă accorder Ă ma pratique artistique parce que jâai un autre travail. Travail que jâaime beaucoup dâailleurs, mais ne pas ĂȘtre en mesure de faire de lâart mâennuie profondĂ©ment.
Je pense que lâart nâest pas juste une activitĂ© divertissante pour moi.
Quel genre d'activité l'art représente-t-il donc ?
C'est un reflet.
Jâessaie toujours de reflĂ©ter ce qui est autour de moi. Les gens, leurs Ă©motions, les voitures, le bruit des moteurs, la souffrance, la joie, les bons et les mauvais jours. Tout ça se distord dans mes pensĂ©es⊠Câest vraiment difficile Ă dĂ©crire en fait, haha.
Tes travaux ne semblent pas ĂȘtre totalement digitaux, comme sâil y avait toujours une trace analogique ou une empreinte humaine dessus. Est-ce que cette esthĂ©tique particuliĂšre rend la modĂ©lisation 3D meilleure en ce quâelle peut reprĂ©senter de la sociĂ©tĂ© ou de ton espace mental ?
A chaque fois que je travaille sur un nouveau projet, je rentre en conflit avec toi. Je cherche à envahir le résultat, à fausser le rendu 3D en y apportant quelque-chose de destructeur. Quelque-chose qui ne semble pas en faire partie.
Lâinfluence des technologies numĂ©riques sur les gens et sur la sociĂ©tĂ© a toujours Ă©tĂ© au cĆur de mon travail, câest pour ça que je me considĂšre comme un artiste numĂ©rique, ce mĂ©dium me va parfaitement, je le trouve confortable. Jâai toujours voulu ajouter des imperfections dans mes crĂ©ations, jâaime ce cĂŽtĂ© grotesque. Peut-ĂȘtre que lâempreinte humaine est un dĂ©faut dans la modĂ©lisation 3D.
Je pense quâil yâa quelque chose de profond derriĂšre tout ça, parce que pour moi lâart est une sorte de sublimation, je cherche un style qui me soit propre, Ă donner Ă voir une vision personnelle. A lâavenir, tout peut changer, car jâĂ©volue.

DâoĂč vient cette dualitĂ© entre ton processus de crĂ©ation et les technologies numĂ©riques ?
Dans les champs de la 3D, il yâa une tendance - on peut mĂȘme parler dâun objectif absolu â qui est de reproduire le plus fidĂšlement possible et avec le maximum de similaritĂ© le monde tel quâil est dans la rĂ©alitĂ©. Dans un certain sens, cet objectif a dĂ©jĂ Ă©tĂ© atteint. Des images de personnages humains ont Ă©tĂ© modĂ©lisĂ© Ă la perfection â si on peut considĂ©rer le rĂ©alisme comme une perfection. NĂ©anmoins, on voit peu Ă peu apparaĂźtre une autre tendance qui vise Ă mĂ©langer cette pseudo-rĂ©alitĂ© avec un aspect visuel numĂ©riques Ă©vident. Une sorte de surrĂ©alisme. Personnellement, mon travail sâoriente vers cette deuxiĂšme catĂ©gorie de production et je pense que câest de lĂ que vient la dualitĂ© dont tu parles.
Ne crois-tu pas que nous avons rĂ©ussi Ă atteindre une forme de perfection dans la visualisation 3D avec ce que lâon appelle la rĂ©alitĂ© virtuelle ? Si lâon admet que la rĂ©alitĂ© peut ĂȘtre virtuelle.
Je pense que nous sommes encore trĂšs loin dâavoir atteint cet objectif. Les progrĂšs que nous avons fait en matiĂšre de graphisme et de technologie sont incroyables, la rapiditĂ© avec laquelle se dĂ©veloppe toute ces choses est presque choquante.
La virtualitĂ© est limitĂ©e et le sera toujours. Un avatar pourra toujours sâapprocher visuellement dâune personne rĂ©elle, mais nâen deviendra jamais une. Lâintelligence artificielle ne peut pas battre quelquâun Ă un jeu et articuler un langage en mĂȘme temps. Elle est limitĂ©e Ă sa tĂąche. Je vois une ligne sĂ©paratrice entre ces deux mondes, mĂȘme si jâessaie de les faire se mĂ©langer dans mes travaux.
Penses-tu que la virtualitĂ© et lâespace qui prend forme grĂące Ă la modĂ©lisation 3D sont un monde parallĂšle Ă celui des humains ?
Je vois une sĂ©paration claire entre le monde rĂ©el et la virtualitĂ©. Je veux que les personnes qui voient mon travail comprennent quâil ne sâagĂźt pas dâune rĂ©alitĂ© en tant que telle mais plutĂŽt dâune sorte dâancre visuelle raccrochant ces images surrĂ©alistes Ă ce quâils ou elles ont dĂ©jĂ vu ailleurs dans leur vie. Ăa crĂ©e des ambiguĂŻtĂ©s, le rendu peut sembler complĂ©tement diffĂ©rent comme trĂšs proche de la rĂ©alitĂ©. Câest la beautĂ© de lâart digital et câest pourquoi la modĂ©lisation 3D devrait ĂȘtre imparfaite, Ă lâimage de lâĂȘtre humain lui-mĂȘme. Câest cette esthĂ©tique que je poursuis actuellement.
Que penses-tu du monde virtuel en tant quâunivers Ă part entiĂšre ? Ce quâon appelle plus communĂ©ment le Cyberespace.
Le cyberespace est probablement une dystopie. Si lâon prĂ©sente la virtualitĂ© comme une nouvelle rĂ©alitĂ©, elle prend la forme dâun Ă©chappement Ă grande Ă©chelle, ce qui selon moi nâest pas un phĂ©nomĂšne positif. MalgrĂ© cela, il est intĂ©ressant de voir Ă quel point ça se dĂ©veloppe et quelle sociĂ©tĂ© pourrait en Ă©merger.
Quelle influence la technologie a-t-elle sur la société selon toi ?
Jâaime le progrĂšs technologique lorsquâil rend la vie plus facile. Mais ce dĂ©veloppement entraĂźne forcĂ©ment une dĂ©gradation dans certains aspects de la vie. Prenons lâexemple de la communication. Elle est devenue beaucoup plus simple sur les rĂ©seaux sociaux et dans les messageries instantanĂ©es mais, si on lâĂ©tudie dâun autre point de vue, sa qualitĂ© a considĂ©rablement baissĂ©e. Dans le monde virtuel, il est facile de tromper, de se faire passer pour quelquâun dâautre. Les Ă©motions sont traduites par des emojis et tout semble ĂȘtre un pastiche de lâhumanitĂ©. Pour illustrer lâinfluence quâont les technologies du numĂ©rique sur les gens, il faut voir The Social Dilemma. Un super film, je le recommande vivement.
Comment vis-tu le fait dâĂȘtre rattachĂ© Ă la technologie par ta pratique artistique ou par ton autre travail ?
Jâessaie de penser Ă ce que je fais en ligne, comment et pourquoi jâutilise les outils numĂ©riques. Dans mes travaux, je veux dresser le portrait de ce monde virtuel Ă la maniĂšre dâun trappeur, Ă©tudiant des empreintes, sur les traces de quelque-chose. En fait, je prĂ©fĂšre visualiser les effets de la technologie plutĂŽt que la technologie elle-mĂȘme. Ăa peut se faire de plusieurs maniĂšres, que ce soit avec une abstraction ou avec une mĂ©taphore Ă apparence humaine.
Quand tu parles des effets de la technologie et dâĂȘtre avec elle comme un chasseur traquant sa proie, on a lâimpression dâavoir perdu le contrĂŽle de notre crĂ©ature. Penses-tu que la technologie est une consĂ©quence de lâactivitĂ© humaine et de sa recherche de progrĂšs, de confort, de dĂ©passement de la Nature ?
(Jâai dit que jâĂ©tais comme un chasseur qui Ă©tudiais des traces, pas traquant sa proie. Je pense que faire cette distinction est important) La technologie est bien-sĂ»r une consĂ©quence de lâactivitĂ© humaine. Il nây a pas de notion de progrĂšs technique sans ĂȘtres humains. On essaie toujours de rendre notre vie plus confortable, pour vivre plus longtemps, communiquer plus facilement, sâadapter. Mais tout ne se rĂ©sume pas Ă cela. La technologie est Ă la fois une consĂ©quence des activitĂ©s humaines et la cause dâun bon nombre dâautres consĂ©quences. Il nây a pas que le progrĂšs technique.

Monday, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
Sans la technologie, serais-tu quelquâun de diffĂ©rent ?
Je serai toujours qui je suis mais sans doute en meilleure santĂ© mentalement. Peut-ĂȘtre que je ne serai pas artiste. Câest difficile Ă imaginer parce que les gens sont vraiment trĂšs connectĂ©s au progrĂšs. Sans ce progrĂšs, câest une toute autre vie.
Comme je peux le constater, tu sembles trÚs attaché au réel, au monde physique et rationnel. Peut-on en savoir plus sur ton passé ?
Je suis nĂ© Ă Lyubertsy et ai vĂ©cu toute ma vie Ă la pĂ©riphĂ©rie de Moscou, plus prĂ©cisĂ©ment dans le district de Nekrasovka. Aux alentours, il y a des stations dâĂ©puration qui traitent les eaux usĂ©es. Il sâen dĂ©gage une odeur mĂ©morable tous les soirs en Ă©tĂ©.
Je n'ai aucune formation en art ou en design. Jâai suivi des cours en relations publiques, mes Ă©tudes ne sont pas complĂštes, jâen suis restĂ© Ă la derniĂšre annĂ©e.
Mon enfance a Ă©tĂ© ordinaire. Jâai eu des hauts et des bas Ă lâĂ©cole. Jâai fumĂ© derriĂšre des garages, fais lâĂ©cole buissonniĂšre et tout un tas dâautre chose qui sont inhĂ©rentes au fait dâĂȘtre un jeune russe qui grandi en banlieue. Il ne s'est rien passĂ© de spĂ©cial dans ma vie, j'ai traĂźnĂ© avec des amis, geekĂ©. CâĂ©tait l'insouciance, mĂȘme si j'Ă©tais trĂšs nerveux quand j'Ă©tais enfant. Mes parents sont des gens simples, qui travaillent dur. Ils essaient de me soutenir, mĂȘme si câest compliquĂ© pour eux de comprendre mon travail. Je les aime pour leur simplicitĂ©, parfois mĂȘme pour leur naĂŻvetĂ©.
Est-ce que lâArt est une chose que tu as appris progressivement ou est-ce que tu as toujours Ă©voluĂ© dans un environnement crĂ©atif ?
Par rapport Ă ce que jâai dit plus tĂŽt, la rĂ©ponse me semble Ă©vidente. Je nâaurai jamais pensĂ© que jâallais faire de lâart ou du design. La premiĂšre fois, câĂ©tait en 2014, quand jâai ouvert Photoshop et que jâai commencĂ© Ă mâintĂ©resser Ă lâart visuel. Quatre ans plus tard, jâai rĂ©alisĂ© que jâĂ©tais un artiste. Aujourdâhui, jâai parfois le sentiment que, du fait de mon manque de prĂ©requis, je ne pourrai pas ĂȘtre artiste. Lâenvironnement et les conditions dans lesquelles jâai grandi nâĂ©taient pas propices Ă la crĂ©ation artistique. Dâun autre cĂŽtĂ©, ce fut un terreau idĂ©al pour dĂ©velopper mon univers. Je peux en tirer une certaine esthĂ©tique et ça rend mon travail authentique.
Quelle est la situation des artistes en Russie aujourdâhui ?
Pour ĂȘtre honnĂȘte, câest difficile pour moi dâĂ©valuer la scĂšne artistique russe. Il y a bien sĂ»r tout un tas de communautĂ©, un nombre assez consĂ©quent dâespaces dâexposition. Tout ça Ă lâair dâĂ©voluer de façon organique. Nous avons de grands musĂ©es et de grands artistes.
La plupart des artistes russes ont un bagage chargĂ© de mĂ©lancolie derriĂšre eux, ce qui est une excellente base pour la crĂ©ativitĂ©. JâapprĂ©cie les artistes qui arrivent Ă transmettre cet hĂ©ritage.
Pour ce qui est de la situation dans le domaine de lâart numĂ©rique, câest plus complexe. Ăa requiert beaucoup de temps et de connaissances spĂ©cifiques. En plus, les revenus sont assez bas en Russie.
Quel rĂŽle joue lâenvironnement social, et plus particuliĂšrement les rĂ©seaux sociaux, dans ta vie dâartiste ?
En tant quâartiste des mĂ©dias numĂ©riques, les rĂ©seaux sociaux et la communication sont une partie intĂ©grante de mon processus crĂ©atif. Si les rĂ©seaux sociaux nâexistaient pas, cette interview nâaurait probablement jamais eu lieu. Il serait beaucoup plus difficile pour moi de partager ce que je fais avec les gens et de susciter leur intĂ©rĂȘt.
En dĂ©pit du fait que jâessaie de mâexporter des Ă©crans, de progresser et de faire des expositions en galerie, je ne dĂ©value pas lâimportance et lâutilitĂ© dâInternet pour ce qui est de communiquer. Tout se dĂ©veloppe trĂšs vite : Expositions virtuelles, crypto-art, festivals numĂ©riques. Tout est accessible en deux clics. JâespĂšre que le futur sera prometteur.
Sur les rĂ©seaux sociaux, tu utilises souvent lâĂ©crit pour introduire ou accompagner tes travaux, en annotant les visuels ou en donnant ton point de vue sur certaines choses. Est-ce que ces descriptions sont des indices pour interprĂ©ter tes Ćuvres ?
Oui, jâannote souvent mes travaux de lâidĂ©e qui sous-tend leur crĂ©ation. Il mâarrive aussi dâĂ©crire des pensĂ©es provenant dâune interprĂ©tation personnelle.
Mais je nâutilise pas le texte uniquement comme un accompagnement. Câest une autre dimension de mon travail. Il y a quelque-chose de conceptuel lĂ derriĂšre, ça ajoute une couche de lecture qui complexifie ou parfois simplifie lâinterprĂ©tation. En plus de ça, le texte lui-mĂȘme est un Ă©lĂ©ment visuel qui imprĂšgne mon travail et en dĂ©peint les caractĂ©ristiques culturelles. Par exemple, en utilisant l'alphabet cyrillique, jâajoute une couche dâinterprĂ©tation. Une personne qui ne connaĂźt pas le russe peut ne pas comprendre ce qui est Ă©crit. Dans ce cas, le texte fonctionne comme un code culturel, une sorte de message codĂ© qui porte une idĂ©e cachĂ©e. Ăa permet de jouer avec les spectateur·ices.
Ce jeu que tu cherches Ă crĂ©er avec le public est-il une consĂ©quence du regard que les autres portes sur toi ? OĂč est-ce que tu te situes par rapport à ça ?
Je suis absolument neutre Ă ce sujet. Je ne cherche pas Ă convaincre une audience de ma vision ou quoique ce soit. En revanche, jâessaie de rendre mon travail aussi ouvert que possible, de façon Ă ce que les spectateurices puissent avoir le choix. Mon travail dâartiste consiste simplement Ă exprimer une esthĂ©tique, Ă visualiser une idĂ©e. Câest un terreau propice Ă la rĂ©flexion. Je pense que câest lĂ la beautĂ© de lâart â la libertĂ© de perception.
Comment procÚdes-tu pour exprimer cette esthétique ? Suis-tu une routine ou des habitudes qui te permettent de créer dans de bonnes conditions ?
Je me sens au maximum de ma productivité lorsque je suis seul et dans une atmosphÚre calme. Dans un café en écoutant de la musique, par exemple.
Jâai quelques problĂšmes de concentration. Peut-ĂȘtre parce que jâĂ©coute toujours de la musique en travaillant dâailleurs (lol). Ăa reste assez difficile pour moi de mâasseoir et de chercher des idĂ©es pour commencer un nouveau travail. Le plus souvent, mes idĂ©es naissent dâune accumulation de formes, de croquis, puis, une fois que jâai trouvĂ© le confort pour travailler, je commence Ă moudre mon grain.
La musique mâaide Ă mây mettre, vraiment. Parfois, une idĂ©e dĂ©coule directement de lâĂ©coute dâun album. Je lis aussi pas mal de textes Ă propos de lâart, je visite des expositions, ⊠en fait jâessaie de mâimmerger totalement dans un contexte artistique.
Quelles consĂ©quences la pandĂ©mie de COVID-19 a-t-elle eu sur ta vie dâartiste ?
Au début, je me suis senti impuissant. Je venais de perdre mon travail à cause de la crise sanitaire et je me disais que si des moments difficiles étaient à venir, si nous étions confinés etc.., alors je pourrai me concentrer sur ma pratique artistique.
Mais il s'avĂšre que la vie sociale est un pilier pour la santĂ© psychologique. Ne pas pouvoir voir mes amis, marcher, travailler, faire quoi que ce soit en fait, a Ă©tĂ© trĂšs traumatisant. Je m'y suis finalement habituĂ© et j'ai trouvĂ© la force d'exprimer mon expĂ©rience d'isolement et mes pensĂ©es sur l'avenir Ă travers lâart. Donc je dirai que câĂ©tait un peu comme des montagnes russes.
Ăa a soulevĂ© des questionnements que tu nâavais pas avant ?
Je pense que la principale question que cette crise a soulevée concerne la numérisation globale de la société. à quel point la pandémie a-t-elle impacté le monde digital et quel futur nous attend à cet égard ?
Des projets pour le futur ?
Rien de concret. Pour lâinstant, jâessaie dâapprendre et de dĂ©velopper mes compĂ©tences. Jâaimerai crĂ©er quelque-chose de grand Ă lâavenir. Hors de mon Ă©cran.

In a confined space, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
OUT OF SCREEN
Dmitriy Eremeev âONSAâ
OOZINâ4 · JUNE 2021
Do you consider your artistic practices as real work?
I think for me artistic practice is more like life style. Its something that helps me to take my mind off routine, problems, where i can express myself and balance my mental health, i think. On top of that I barely get any money from it and now barely can find time to do my art so it seems like a bad work if we call it âreal workâ :) But i hope it will change soon.
So, for you, artistic practices are both a tool to regulate social pressure like an outlet or a valve, and a work in which you believe to be your dream job ?
Yes, kind of it is. As you define it, the notion of âworkâ seems to have two reading direction : Money and Time.
Does always artistic activities has to be lucrative ?
No, not always. In particular situation it hasnât to be lucrative at all. I donât do it for money in the first place, I donât try to do something popular that can bring me subscribers and profit. First of all your artwork must be honest. This is the main thing that brings me joy when i create something. Honesty. Of course living in capitalism you almost canât ignore money and donât try to monetize your art if you want to do it for the living. But opportunity to get money from your art should be consequence of honest approach to your art.
How can you describe time when it is linked with your creations ? ( like, for example, how do you feel time passing when working etc.. )
When I really focused time flies so quick of course. But often i donât have enough time to be focused or donât have any else resources to create something. Anyway i always donât have enough time.
Do you mean that in general art is a very time consuming practice ? Or that society make time difficult to get, so art can not be your priority ?
It depends on what goal are you pursuing.
You can create something just because you like to spend time like that. Lets say hobby. Or you realize that its not a hobby no more and youâre doing it because itâs like part of you.
Basically any passion or dream that you have will be very time consuming.
In my particular situation I donât have enough time to do art because of work. There is nothing bad about my work but not be able to do art is bothering me. Because I think art is not just hobby for me no more.
What kind of activitie art represent for you ?
Reflection. I always try to represent the surrounding. Life around me: people, their emotions, cars, sounds of engine, pain, happiness, good day, bad day, anything.
It always reflecting with distortions. Man, it so hard to describe actually, haha.
Your artworks seems to not be fully digital, like thereâs always traces of analogic or human print on it. Does this peculiar touch makes 3D modelizing a better way to represent your social and mental situation ?
Like it makes your artworks nearer than what you want represent ?
Every time I work on a new project, I come into conflict with it. I want to invade the resulting 3d aesthetic and bring something destructive to it. Something that doesnât belong to it.
The influence of digital technologies on people and society has always been at the heart of my work, so thats why im digital artist, this medium suits me and I am comfortable in it. But in the process of working, I seem to lack humanity, I guess. I always want to add imperfections in my works and i love grotesque so much. And maybe analogic and human trace is imperfection for 3D.
I think thereâs something deep behind all that, because art for me is a sublimation in the general sense, but I still searching and creating my own style and vision, everything can change in the future because im changing.
![]()
Where does this duality between your process of working and digital technology come from?
Do you think that virtuality (the computer universe that exists in your imagination because of 3D modeling) is a parallel world, opposed to humanity?
In the field of 3D visualization, there is a trend, you can even say some absolute goal - to achieve the maximum similarity of visualization with the real world. In some aspects, the goal has already been achieved, static images of people have been brought to perfection, if we consider realism as perfection. But gradually we see a new trend of combining this pseudo-reality and obvious digital performance. A kind of digital surrealism. I stick to the second trend. Most likely, this duality originates here. I see a clear separation between reality and virtuality, and I want the viewer to understand that what they see is not real, but has visual anchors that help to relate this pseudo-reality to what they have already seen many times.This may be an obvious difference, or it may be confusing. Thatâs the beauty of digital art. Even 3D should not be perfect, just like the human himself. This is the aesthetic Iâm following right now.
You talk about the influence of technologies on society.What are these influences for you?
I love digital progress. it makes your life easier. But the development of digital technologies entails the degradation of other aspects of life. Communications for example.
Yes, it has become easier for people to communicate, social networks, messengers. Okay, cool. But if you look from the other side, the quality of communication decreases. In the digital world, it is easy to deceive, impersonate someone else, emotions turn into emojis and all this is just a semblance of humanity. On the topic of how digital technologies affect people, there is a wonderful film âThe Social Dilemmaâ. I highly recommend it.
How do you experience being attached to digital technology through your art or your work in society?
Personally, I try to think about what I do online, how I use technology, and why. In my work, I want to portray it as if I am a hunter, studying tracks. And I visualize the effect of technology, not the technology itself. I do it in all sorts of ways, whether itâs an abstraction or a metaphor with a human face.
Donât you think we achieve the 3D vizualisation goal with those new progress in what we call Immersive Virtual Reality ? Can reality only be virtual ? What do you think of Cyberspace ? Refering to the online world as a world apart, as distinct from everyday reality.
I think we so far from achieving this goal. All the progress that we see in graphics, technology, AI is amazing and its shocking how quick we got there. Yet virtuality is limited, and most likely will always be limited. A virtual avatar visually can be as similar as possible to a real person, but it will never become one. Artificial intelligence can beat a person in a computer game, but it canât say the words. Because it is limited to its task. I see the line between these to worlds even if I try to merge it all in my arts.
For me, cyberspace is probably a dystopia. If we present virtuality as a new reality, we can consider it as an act of large-scale escapism, which is not a good phenomenon, in my opinion. Still, it is very interesting to look at all this, where it will develop and what kind of society we will come to.
When you talk about the effects of technology and being with it like a hunter stalking its prey, it feels like we all have lost control of the creature. Do you think technology is itself a consequence of human activity and its search for progress, for comfort, for going beyond Nature? Following this question, who do you think you are without technology ?
( i said im like a hunter studying tracks, not stalking its prey, I think that can be important :) )Of course its a consequence of human activity, yes. Thereâs no technical progress without human. And not only technical.
We always try to make our life more comfortable so we can live longer, communicate quicker, adapt easier. Technology is a consequence of human activities but technology has its own consequence too. I think without technology i am still who i am but mentally healthier. Maybe not artist. It hard to even imagine because thereâs a lot of connection between the progress and people and without that progress thatâs a whole another life.
As I can see, you seem to be hooked to the reality of things, to the physical and rational world. Can you tell me about your background? (studies, place of living, childhood, âŠ)
I was born in the city named Lyubertsy and have lived all my life on the outskirts of Moscow, in the Nekrasovka district. We have sewage treatment plants that purify sewage water. The smell at summer in the evenings is memorable. I donât have any education in art or design. I have an incomplete higher education in PR and Iâm in my senior year now.
My childhood was quite ordinary. I went to school, first good, then bad, then good again. I smoked behind garages, skipped classes and did everything that is inherent in growing up as russian teenager from the outskirts. Weâll skip the details.Nothing special happened in my life, I had a great carefree time, although I was very nervous as a child. My parents are simple hard workers, they try to support me, even though they hardly understand my work. I love them for their human simplicity and sometimes even naivety.
Is Art something you learn progressively or have you always evolved in a creative environment?
Based on what Iâve said about personal life and childhood I think the answer is quite obvious. I never thought that i was going to do art or design. First time when i tried something in that area was 2014 when I first time opened Photoshop. Since then the interest to visualization started to grow and so 4 years later I truly realized that im an artist. And yet, sometimes I feel like I canât be an artist. There were no prerequisites for this. My environment and the conditions in which I grew up no way conducive to creativity, but on the other hand, it is ideal for this. I have something to talk about, that people can relate to, something to create aesthetics out of, something to make my work authentic, because im just a regular person.
![]()
Today, what is the artist situation in Russia ?
To be honest, it is difficult for me to evaluate the art scene in Russia. Absolutely, there are many communities, not a small number of galleries, and it seems to me that everything is developing organically. We have great museums, great art spaces, and great artists. Almost every russian artist has a melancholic baggage behind him, which serves as an excellent base for creativity. I appreciate those who can convey this russianness. In digital art, things are more complicated, basically because digital art requires a lot of spending and some specific knowledge. And the salaries in Russia are letâs say small.
What role plays social environment, and especially social media that are quite new, in your life as an artist ?
For me, as an artist working in a digital medium, social media and online communication are an integral part of creative progress. If I didnât have social media, this interview wouldnât have happened, for example. It would be much more difficult for me to share my art with people, increase awareness, etc.
Despite the fact that I try to get beyond the screens, to gain experience in real exhibitions, I never devalue the importance and usefulness of communication via the Internet.
This is the future, to some extent. Itâs all developing at a crazy speed: online exhibitions, crypto art, festivals. Everything is just a couple of clicks on the screen. I hope that the future will be bright.
You often use texts in your publications, especially on your Behance profile, to introduce your works, giving quotes or personal point of view on human things. Are those descriptions sorts of clues to interpret your works ?
Yes, I often want to accompany my work with the thought that underlies its creation, or with the thought that was born with my personal interpretation. I like to use the text component not only in the accompaniment, but also in the works themselves. There is something of conceptualism in this, it adds layers to the work, in some ways complicates or sometimes simplifies the interpretation.
Plus, the text itself is an excellent visual element that can also convey the cultural feature of the work, for example, using the cyrillic alphabet. A person who does not know russian may not understand what is written, do not understand this layer of work, but in this case, the cyrillic text works as a cultural code, as a kind of encoded message that carries a hidden idea. Playing with the audience.
Is this play you try to create with public a consequence of others looks on you and your works ?
I am absolutely neutral about any view of my work. Iâm not trying to convince the viewer of something, of my vision. Instead, I try to make the works as interpretable as possible, so that the viewer decides for himself what he sees and how to perceive it. My task as an artist is to convey only my own aesthetics and show the idea. This is a ground for reflection. I think thatâs the beauty of art â the freedom of perception.
How do you proceed to deliver your aesthetic ? Is there a creative routine or daily habits that allows you to create in good conditions?
I feel most productive either in complete solitude or in a relaxed atmosphere,in a cafe for example and always listen to music, always. I have a problem with concentration. Maybe because I always listen to music when Iâm working (lol). Anyway, it is difficult for me to sit down in search of any foundation for a new work. Most often, my ideas are gradually formed and accumulated in some form, rough. Then, having provided myself with comfort for work, I begin to grind out something specific from this form.
Music helps me tune in, really. Sometimes, right in the process of listening to an album, an idea is born. And i read a lot about art and stuff, visit exhibitions, so I try to immerse myself in art fully.
What consequences has the pandemic had on your life as an artist?
In the beginning of the pandemic it gots me in the place where I canât do anything. It was the time when i just lost my job because of the covid situation and i was thinking that if its hard time now, isolation and all that, then i can focus on art. But turns out that normal social life was kind of psychological support. Not be able to see my friends, to walk, to work, do anything actually, was very traumatic for me. But eventually i got used to it and find the way and strength to express my isolation experience and my thoughts about future. I expressed it through my art, of course. So it was kind of a rollercoaster.
Does this situation raise questions that you did not have before?
I think the main question that was raised because of pandemic is : how strong will the impact of the virus be on the global digitalization and what future awaits us in this regard?
Do you have projects for the future?
Nothing concrete. Now most of the time i just try to learn new and develop my skills. But in the future i want to create something big.
Out of my screen.
![]()
I think for me artistic practice is more like life style. Its something that helps me to take my mind off routine, problems, where i can express myself and balance my mental health, i think. On top of that I barely get any money from it and now barely can find time to do my art so it seems like a bad work if we call it âreal workâ :) But i hope it will change soon.
So, for you, artistic practices are both a tool to regulate social pressure like an outlet or a valve, and a work in which you believe to be your dream job ?
Yes, kind of it is. As you define it, the notion of âworkâ seems to have two reading direction : Money and Time.
Does always artistic activities has to be lucrative ?
No, not always. In particular situation it hasnât to be lucrative at all. I donât do it for money in the first place, I donât try to do something popular that can bring me subscribers and profit. First of all your artwork must be honest. This is the main thing that brings me joy when i create something. Honesty. Of course living in capitalism you almost canât ignore money and donât try to monetize your art if you want to do it for the living. But opportunity to get money from your art should be consequence of honest approach to your art.
How can you describe time when it is linked with your creations ? ( like, for example, how do you feel time passing when working etc.. )
When I really focused time flies so quick of course. But often i donât have enough time to be focused or donât have any else resources to create something. Anyway i always donât have enough time.
Do you mean that in general art is a very time consuming practice ? Or that society make time difficult to get, so art can not be your priority ?
It depends on what goal are you pursuing.
You can create something just because you like to spend time like that. Lets say hobby. Or you realize that its not a hobby no more and youâre doing it because itâs like part of you.
Basically any passion or dream that you have will be very time consuming.
In my particular situation I donât have enough time to do art because of work. There is nothing bad about my work but not be able to do art is bothering me. Because I think art is not just hobby for me no more.
What kind of activitie art represent for you ?
Reflection. I always try to represent the surrounding. Life around me: people, their emotions, cars, sounds of engine, pain, happiness, good day, bad day, anything.
It always reflecting with distortions. Man, it so hard to describe actually, haha.
Your artworks seems to not be fully digital, like thereâs always traces of analogic or human print on it. Does this peculiar touch makes 3D modelizing a better way to represent your social and mental situation ?
Like it makes your artworks nearer than what you want represent ?
Every time I work on a new project, I come into conflict with it. I want to invade the resulting 3d aesthetic and bring something destructive to it. Something that doesnât belong to it.
The influence of digital technologies on people and society has always been at the heart of my work, so thats why im digital artist, this medium suits me and I am comfortable in it. But in the process of working, I seem to lack humanity, I guess. I always want to add imperfections in my works and i love grotesque so much. And maybe analogic and human trace is imperfection for 3D.
I think thereâs something deep behind all that, because art for me is a sublimation in the general sense, but I still searching and creating my own style and vision, everything can change in the future because im changing.

Another day, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
Where does this duality between your process of working and digital technology come from?
Do you think that virtuality (the computer universe that exists in your imagination because of 3D modeling) is a parallel world, opposed to humanity?
In the field of 3D visualization, there is a trend, you can even say some absolute goal - to achieve the maximum similarity of visualization with the real world. In some aspects, the goal has already been achieved, static images of people have been brought to perfection, if we consider realism as perfection. But gradually we see a new trend of combining this pseudo-reality and obvious digital performance. A kind of digital surrealism. I stick to the second trend. Most likely, this duality originates here. I see a clear separation between reality and virtuality, and I want the viewer to understand that what they see is not real, but has visual anchors that help to relate this pseudo-reality to what they have already seen many times.This may be an obvious difference, or it may be confusing. Thatâs the beauty of digital art. Even 3D should not be perfect, just like the human himself. This is the aesthetic Iâm following right now.
You talk about the influence of technologies on society.What are these influences for you?
I love digital progress. it makes your life easier. But the development of digital technologies entails the degradation of other aspects of life. Communications for example.
Yes, it has become easier for people to communicate, social networks, messengers. Okay, cool. But if you look from the other side, the quality of communication decreases. In the digital world, it is easy to deceive, impersonate someone else, emotions turn into emojis and all this is just a semblance of humanity. On the topic of how digital technologies affect people, there is a wonderful film âThe Social Dilemmaâ. I highly recommend it.
How do you experience being attached to digital technology through your art or your work in society?
Personally, I try to think about what I do online, how I use technology, and why. In my work, I want to portray it as if I am a hunter, studying tracks. And I visualize the effect of technology, not the technology itself. I do it in all sorts of ways, whether itâs an abstraction or a metaphor with a human face.
Donât you think we achieve the 3D vizualisation goal with those new progress in what we call Immersive Virtual Reality ? Can reality only be virtual ? What do you think of Cyberspace ? Refering to the online world as a world apart, as distinct from everyday reality.
I think we so far from achieving this goal. All the progress that we see in graphics, technology, AI is amazing and its shocking how quick we got there. Yet virtuality is limited, and most likely will always be limited. A virtual avatar visually can be as similar as possible to a real person, but it will never become one. Artificial intelligence can beat a person in a computer game, but it canât say the words. Because it is limited to its task. I see the line between these to worlds even if I try to merge it all in my arts.
For me, cyberspace is probably a dystopia. If we present virtuality as a new reality, we can consider it as an act of large-scale escapism, which is not a good phenomenon, in my opinion. Still, it is very interesting to look at all this, where it will develop and what kind of society we will come to.
When you talk about the effects of technology and being with it like a hunter stalking its prey, it feels like we all have lost control of the creature. Do you think technology is itself a consequence of human activity and its search for progress, for comfort, for going beyond Nature? Following this question, who do you think you are without technology ?
( i said im like a hunter studying tracks, not stalking its prey, I think that can be important :) )Of course its a consequence of human activity, yes. Thereâs no technical progress without human. And not only technical.
We always try to make our life more comfortable so we can live longer, communicate quicker, adapt easier. Technology is a consequence of human activities but technology has its own consequence too. I think without technology i am still who i am but mentally healthier. Maybe not artist. It hard to even imagine because thereâs a lot of connection between the progress and people and without that progress thatâs a whole another life.
As I can see, you seem to be hooked to the reality of things, to the physical and rational world. Can you tell me about your background? (studies, place of living, childhood, âŠ)
I was born in the city named Lyubertsy and have lived all my life on the outskirts of Moscow, in the Nekrasovka district. We have sewage treatment plants that purify sewage water. The smell at summer in the evenings is memorable. I donât have any education in art or design. I have an incomplete higher education in PR and Iâm in my senior year now.
My childhood was quite ordinary. I went to school, first good, then bad, then good again. I smoked behind garages, skipped classes and did everything that is inherent in growing up as russian teenager from the outskirts. Weâll skip the details.Nothing special happened in my life, I had a great carefree time, although I was very nervous as a child. My parents are simple hard workers, they try to support me, even though they hardly understand my work. I love them for their human simplicity and sometimes even naivety.
Is Art something you learn progressively or have you always evolved in a creative environment?
Based on what Iâve said about personal life and childhood I think the answer is quite obvious. I never thought that i was going to do art or design. First time when i tried something in that area was 2014 when I first time opened Photoshop. Since then the interest to visualization started to grow and so 4 years later I truly realized that im an artist. And yet, sometimes I feel like I canât be an artist. There were no prerequisites for this. My environment and the conditions in which I grew up no way conducive to creativity, but on the other hand, it is ideal for this. I have something to talk about, that people can relate to, something to create aesthetics out of, something to make my work authentic, because im just a regular person.

Light, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
Today, what is the artist situation in Russia ?
To be honest, it is difficult for me to evaluate the art scene in Russia. Absolutely, there are many communities, not a small number of galleries, and it seems to me that everything is developing organically. We have great museums, great art spaces, and great artists. Almost every russian artist has a melancholic baggage behind him, which serves as an excellent base for creativity. I appreciate those who can convey this russianness. In digital art, things are more complicated, basically because digital art requires a lot of spending and some specific knowledge. And the salaries in Russia are letâs say small.
What role plays social environment, and especially social media that are quite new, in your life as an artist ?
For me, as an artist working in a digital medium, social media and online communication are an integral part of creative progress. If I didnât have social media, this interview wouldnât have happened, for example. It would be much more difficult for me to share my art with people, increase awareness, etc.
Despite the fact that I try to get beyond the screens, to gain experience in real exhibitions, I never devalue the importance and usefulness of communication via the Internet.
This is the future, to some extent. Itâs all developing at a crazy speed: online exhibitions, crypto art, festivals. Everything is just a couple of clicks on the screen. I hope that the future will be bright.
You often use texts in your publications, especially on your Behance profile, to introduce your works, giving quotes or personal point of view on human things. Are those descriptions sorts of clues to interpret your works ?
Yes, I often want to accompany my work with the thought that underlies its creation, or with the thought that was born with my personal interpretation. I like to use the text component not only in the accompaniment, but also in the works themselves. There is something of conceptualism in this, it adds layers to the work, in some ways complicates or sometimes simplifies the interpretation.
Plus, the text itself is an excellent visual element that can also convey the cultural feature of the work, for example, using the cyrillic alphabet. A person who does not know russian may not understand what is written, do not understand this layer of work, but in this case, the cyrillic text works as a cultural code, as a kind of encoded message that carries a hidden idea. Playing with the audience.
Is this play you try to create with public a consequence of others looks on you and your works ?
I am absolutely neutral about any view of my work. Iâm not trying to convince the viewer of something, of my vision. Instead, I try to make the works as interpretable as possible, so that the viewer decides for himself what he sees and how to perceive it. My task as an artist is to convey only my own aesthetics and show the idea. This is a ground for reflection. I think thatâs the beauty of art â the freedom of perception.
How do you proceed to deliver your aesthetic ? Is there a creative routine or daily habits that allows you to create in good conditions?
I feel most productive either in complete solitude or in a relaxed atmosphere,in a cafe for example and always listen to music, always. I have a problem with concentration. Maybe because I always listen to music when Iâm working (lol). Anyway, it is difficult for me to sit down in search of any foundation for a new work. Most often, my ideas are gradually formed and accumulated in some form, rough. Then, having provided myself with comfort for work, I begin to grind out something specific from this form.
Music helps me tune in, really. Sometimes, right in the process of listening to an album, an idea is born. And i read a lot about art and stuff, visit exhibitions, so I try to immerse myself in art fully.
What consequences has the pandemic had on your life as an artist?
In the beginning of the pandemic it gots me in the place where I canât do anything. It was the time when i just lost my job because of the covid situation and i was thinking that if its hard time now, isolation and all that, then i can focus on art. But turns out that normal social life was kind of psychological support. Not be able to see my friends, to walk, to work, do anything actually, was very traumatic for me. But eventually i got used to it and find the way and strength to express my isolation experience and my thoughts about future. I expressed it through my art, of course. So it was kind of a rollercoaster.
Does this situation raise questions that you did not have before?
I think the main question that was raised because of pandemic is : how strong will the impact of the virus be on the global digitalization and what future awaits us in this regard?
Do you have projects for the future?
Nothing concrete. Now most of the time i just try to learn new and develop my skills. But in the future i want to create something big.
Out of my screen.

Mental Cubes V.2, rendu 3D ©Onsa - Dmitriy Eremeev
đ COMING EVENTS
23.05.25 îïžïžïž 25.05.25 LECTURE SABR N°01 âš
NUMĂRO R_CiPM_VIEILLE CHARITĂ_MARSEILLE
06.06.25 îïžïžïž 08.06.25
GRAPHIC BAZAR_EN TRAITS LIBRES_MONTPELLIER
GRAPHIC BAZAR_EN TRAITS LIBRES_MONTPELLIER
27.06.25 îïžïžïž 29.06.25
FOCUS POSTFIREBOOKS_ESPACE DE LâART CONCRET_MOUANS-SARTOUX
FOCUS POSTFIREBOOKS_ESPACE DE LâART CONCRET_MOUANS-SARTOUX
05.07.25 îïžïžïž 06.07.25
ZINEFEST_MARCHĂ DES DOUVES_BORDEAUX
ZINEFEST_MARCHĂ DES DOUVES_BORDEAUX